Retrouvez l’interview du chef du bureau retraites de la DREES, Anthony MARINO et de Serge HERBILLON-LEPRINCE, chargé d’études spécialiste de la retraite supplémentaire.
En plein travail de collecte de données pour l’édition 2024 du rapport Les retraités et les retraites1, le chef du bureau retraites de la DREES Anthony Marino et Serge Herbillon-Leprince, chargé d’études spécialiste de la retraite supplémentaire, reviennent pour nous sur les résultats 2023 et les coulisses de l’élaboration de ce panorama unique du fonctionnement de notre système de retraite.
13 nov. 2023
Crédit photo : Ministères sociaux/DICOM/Nicolo Revelli-Beaumont/
Quels sont les résultats saillants du rapport 2023 ? Est-il possible d’avoir notamment une première vision des effets de la réforme ?
Anthony Marino :
Notre rapport se base toujours sur les données de l’année N-2, le rapport 2023 porte donc sur les informations des régimes pour 2021 recueillies et analysées en 2022. Aussi, nous ne verrons l’impact de la réforme qu’en 2025. En revanche, nous nous sommes attachés à décrire dans les annexes les modalités des nouvelles règles, car notre rapport est aussi un document qui fait le point sur les réglementations en vigueur.
Sur les constats de 2023, le premier est qu’on continue de voir une hausse de l’âge du départ en retraite. Celui-ci a commencé à augmenter, fortement depuis 2010 puis un peu moins dynamiquement après 2016. En fait, ce que l’on voit, ce sont les effets de la réforme de 2010 et de 2014 et aussi ceux de l’entrée de plus en plus tardive des générations dans le monde du travail. Une autre tendance longue que l’on retrouve dans les résultats 2023 est la réduction progressive de l’écart de niveau de pension entre hommes et femmes. Elle est essentiellement due à la réduction des écarts de durées de carrières et c’est évidemment encore insuffisant mais cela progresse dans le bon sens. Nous voyons également les évolutions de pensions entre générations, et notamment le fait que les pensions semblent repartir à la hausse pour les générations nées dans le début des années 1950.
Enfin la dernière tendance concerne le minimum vieillesse avec la réduction continue du nombre d’individus concernés. Cela montre que l’amélioration générale du système de retraite évite à plus de gens d’avoir recours à ce dispositif. Toutefois, on note dans le cadre des revalorisations exceptionnelles du minimum vieillesse en 2018/2019 et 2020, une hausse des effectifs bénéficiaires. Cependant la revalorisation de 2022 apparaîtra dans le rapport 2024 et nous permettra de voir comment tout ceci évolue.
Comment décririez-vous les résultats en matière de retraite supplémentaire ? Peut-on déjà voir les effets de la loi Pacte et de la mise en œuvre des PER ?
Serge Herbillon-Leprince :
En 2021, la part des cotisations aux régimes supplémentaires dans le total des cotisations retraite progresse. On est passé de 4% en 2019 à 5,8% en 2021. Les prestations augmentent également légèrement à 2,3% de l’ensemble des retraites servies. L’autre résultat intéressant concerne en effet le PER. La part des cotisations au PER individuel a progressé fortement entre 2019 et 2021. Pour nous il est difficile de déterminer les raisons de cette augmentation : est-ce un effet de la flexibilité du PER ou de l’épargne Covid ? Comme nous ne réalisons pas d’enquête auprès des épargnants, nous ne pouvons rien affirmer. Nous nous basons uniquement sur l’enquête annuelle que nous menons auprès de la centaine d’organismes gérant des dispositifs de retraite supplémentaire. D’ailleurs, depuis la mise en place du PER, nous avons été extrêmement attentifs à la façon de collecter les données. Nous avons souhaité bien faire la différence entre les cotisations et les transferts, une demande que nous avons faite aux acteurs et qui nous permet de ne pas confondre deux masses différentes. Pour revenir au rapport 2023, nous constatons également une baisse de la part de nouveaux adhérents depuis 2019 chez les moins de 40 ans alors que la progression se maintient chez les plus de 50 ans. Nous verrons comment cette évolution se confirme dans le prochain rapport pour lequel nous sommes déjà dans la phase de récolte de données.
Comment sont conçus les rapports sur les retraites ? Quelle mobilisation cela représente-t-il de la part des agents publics ?
Anthony Marino :
C’est un travail que nous réalisons avec le concours de l’ensemble des caisses de retraite ou organismes gestionnaires. Chacun d’entre eux nous fournit sur la base d’un questionnaire commun différents types de données et ceci de façon annuelle. Cette enquête porte ainsi sur le nombre de retraités, leur âge, leur niveau de pension, etc. Nous faisons cette même enquête sur le minimum vieillesse. En plus de cette collecte de données agrégées et collectives, nous effectuons un travail qualitatif sur les données individuelles. Pour cela, nous utilisons un échantillon fourni par l’INSEE qui intègre un maximum de profils différents d’actifs d’une part et de retraités d’autre part. L’étude de ces deux éléments que nous appelons Échantillon inter-régime de retraités (EIR) et Échantillon Inter-régime de cotisants, se fait tous les quatre ans. Nous les utilisons dans le cadre de notre modèle ANCETRE qui permet, en agrégeant données collectives et individuelles, d’effectuer des micro-simulations et d’avoir une vision plus fine des évolutions. Le travail autour du rapport mobilise une part importante de notre équipe de 10 personnes, car les systèmes de retraite français sont nombreux et complexes. Mais ce n’est pas notre seule mission : nous réalisons des études notamment pour le Conseil d’orientation des retraites (COR) basées sur des modèles de simulation pour projeter les évolutions futures. Nous produisons également des analyses sur des sujets spécifiques comme la comparaison des pensions public/privé ou encore le poids des trimestres enfants dans les pensions. Toutes nos données sont par ailleurs disponibles de façon détaillée sur le site de la DREES.
Anthony Marino – Chef - Bureau retraites
Serge Herbillon-Leprince – Chargé d’études et d’enquête - Bureau retraites
Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) – Ministère de la santé et de la prévention