Le PER individuel 5 ans après la loi Pacte, un bilan d’étape dans l’actualité

Alors que la mission d’information de l’Assemblée Nationale sur la fiscalité de l’épargne-retraite a récemment rendu son rapport, formulant plusieurs recommandations pour le fonctionnement du PER, son versant individuel poursuit un développement rapide. Parmi les analyses disponibles (DG Trésor, France Assureurs, etc.), certaines des conséquences de la loi Pacte ne commencent à être véritablement appréciées que depuis peu.

16 nov. 2024

Adoptée le 22 mai 2019, la loi relative à la croissance et à la transformation des entreprises, dite loi Pacte, a créé un nouveau produit d’épargne, le PER (plan d’épargne retraite) visant à supplanter l’ensemble des dispositifs existants auparavant, dans un objectif de simplification et d’harmonisation des règles. Son fonctionnement en trois compartiments – individuel, entreprise collectif et entreprise obligatoire – a amené plusieurs évolutions contrastées, notamment une transférabilité accrue et la possibilité de rachat anticipé pour l’acquisition de la résidence principale, tandis que la possibilité de sortie en capital était réservée au PER individuel et entreprise collectif. Le PER entreprise obligatoire est aujourd’hui le seul prévoyant une liquidation en rente viagère uniquement.

Chargée du suivi du déploiement du PER, la DG Trésor identifie ces dernières années une nette dynamique de l’épargne-retraite liée au nouveau dispositif. Reprenant les données transmises par les fédérations professionnelles qui commercialisent le PER, elle compte 10 millions de personnes souscriptrices à la fin de l’année 2023, dont presque 4 millions pour le PER individuel. En termes d’encours, c’est ce dernier qui est majoritaire, avec 60 Mds€ sur les 103 Mds€ d’encours des PER.

Le PER est donc devenu le contrat d’épargne-retraite le plus répandu en France. Les rapports annuels de la Drees retracent également cette évolution rapide, passant notamment par le transfert d’anciens contrats ou la transformation en PER, comme Préfon-Retraite qui est devenu PER individuel dès décembre 2019. L’ordre de grandeur à la fin 2022 était de 16 millions d’adhérents à des dispositifs d’épargne-retraite, dont 7 millions de cotisants.

Et tandis que le nombre de cotisants à des produits individuels d’épargne-retraite était resté situé entre 2,2 et 2,7 millions durant la décennie précédente, l’apparition du PER a porté ce chiffre rapidement à 3 millions, avec une accélération encore plus sensible l’année passée. France Assureurs évalue à plus d’un million le nombre de nouveaux souscripteurs de PER assurantiels en 2023, un rythme double par rapport aux années précédentes, amenant une augmentation de 0,5 million pour le seul PER assurantiel.

Cette croissance liée au PER a alimenté celle des cotisations, en particulier pour le PER individuel. Contrairement aux réformes intervenues précédemment, il semble que ce ne soit pas une logique « d’équipement » des épargnants par les réseaux de distribution qui ait prévalu, mais bien l’identification réussie des profils disposant d’une capacité d’épargne pour la retraite. Cela s’est traduit par une hausse marquée de la cotisation moyenne aux produits d’épargne individuelle, portée par le PER, pour dépasser les 250€ par mois.

Dans la présentation de leur rapport à la commission des finances le 24 septembre dernier, les députés Charles de Courson et Félicie Gérard ont à cet effet pointé le fait que le PER est aujourd’hui principalement utilisé par les cadres (34%), alors que ce sont 16% de l’ensemble des contribuables qui y ont recours. Les personnes non imposables ne peuvent en effet bénéficier aujourd’hui bénéficier de la déduction des cotisations sur le revenu soumis à l’impôt. Pour les corapporteurs, un abondement d'État ou un crédit d'impôt pour les ménages modestes serait coûteux. Dans un objectif d’élargissement du bénéfice de l’épargne-retraite, la mission recommande de systématiser l’ouverture d’un PER collectif, dès lors qu’une entreprise compte au moins 11 salariés. Ceux-ci pourraient refuser d’y contribuer et les accords d’entreprises ou de branches pourraient prévoir que l’entreprise n’a pas d’obligation d’abonder.

La mission d’information a de même mis en avant certaines limites du PER, comme le fait qu’ils ne constituent pas un produit unique mais une enveloppe commune, ce qui engendre une certaine complexité. Les règles de dénouement spécifiques à chaque type de PER ajoutent à cette complexité, soulignant la nécessité de simplification et de décloisonnement. Les prélèvements sociaux ne sont pas harmonisés entre les différents compartiments des PER, ce qui ne se justifie pas. Une estimation de l'harmonisation doit être produite par l'administration, notamment pour les versements employeurs, volontaires ou non. Le traitement différencié des agents publics, qui n’ont pas accès au PER collectif, n'est lui non plus justifié par aucune raison valable ; les corapporteurs ont à cet effet demandé au Gouvernement d’examiner une extension des produits collectifs aux agents et employeurs publics, dans une logique également d’attractivité de la Fonction publique.

S’agissant de la dépense publique liée au soutien aux cotisations au PER, la mission a partagé une estimation de 1,2 Md€ par an, en rappelant néanmoins qu’il s’agit d’un différé ou « sursis » fiscal ne constituant donc pas une niche. Elle a souhaité qu’un chiffrage précis soit communiqué au Parlement. La Cour des Comptes, dans un rapport publié le 7 novembre dernier, évalue l’ensemble des déductions fiscales bénéficiant à l’épargne-retraite à 1,8 Md€ en 2022 hors épargne retraite collective obligatoire.

Elle déplore par ailleurs que les placements liés à l’épargne-retraite ne soient en moyenne aujourd’hui pas suffisamment distincts de ceux de l’assurance-vie, alors qu’une orientation de long terme permettrait une contribution supérieure au financement de l’économie. À cet égard, la loi du 23 octobre 2023 relative à l’industrie verte a initié un fléchage vers le financement des PME-ETI à travers une part minimale de titres d’entreprises non cotées dans la gestion pilotée par horizon pour le PER.