Répartition de l’emploi public « Le principe d’égalité devant le service public ne paraît pas nationalement respecté. »
Fracture sanitaire, fermetures de classes, gares moins desservies… Alors que l’image d’une France rurale désertée par les services publics s’installe dans les esprits, François Ecalle, président de FIPECO*, s’appuie sur le taux d’administration des territoires pour éclairer la réalité de l’accès aux services publics.
9 déc. 2021
Le taux d’administration d’un territoire correspond au nombre de fonctionnaires rapporté au nombre d’habitants sur un territoire donné. En quoi ce pourcentage garantit-il la diversité des services publics proposés et leur facilité d’accès ? Est-ce le seul indicateur, ou le plus pertinent, en la matière ?
L’accès aux services publics est une notion aussi complexe que son estimation est délicate, aucun indicateur ne s’imposant plus qu’un autre. Ainsi, la distance moyenne parcourue jusqu’aux locaux de l’administration, le temps nécessaire pour le faire, ou encore les délais de traitement d’un dossier sont autant de mesures possibles, le nombre de fonctionnaires en poste ne reflétant évidemment pas la qualité du service rendu. Mais le taux d’administration, ventilé entre les trois fonctions publiques, présente l’indéniable avantage de reposer sur des données précises, rapidement disponibles et aisément comparables puisque régulièrement publiées dans les rapports annuels de la direction générale de l'Administration et de la Fonction publique sur l’état de la fonction publique.
À l’appui de ces données, quelle première conclusion tirez-vous ?
Si le taux d’administration national moyen est de 73 agents publics pour 1 000 habitants en 2019, les écarts entre régions sont flagrants : 19 % de différence entre la région la plus pourvue en fonctionnaires d’État (PACA) et celle la moins pourvue (Pays-de-la-Loire), 47 % entre la région la plus dotée en agents territoriaux (PACA) et celle la moins dotée (Grand Est) et même 53 % entre la région la plus « riche » en agents hospitaliers (Bourgogne-Franche-Comté) et celle la moins bien nantie (Île-de-France). Idem pour les départements, pour lesquels les rapports sont même double ou triple. Aussi, et même si certaines inégalités s’expliquent - par exemple par la présence des administrations centrales à Paris - la première des conclusions tient en une phrase : la répartition des emplois publics ne semble pas correspondre aux besoins et le principe d’égalité devant le service public ne paraît pas nationalement respecté.
Cette observation corrobore donc l’image d’une France rurale abandonnée par les services publics ?
Absolument pas ! Contrairement aux idées reçues, ces statistiques montrent même que, loin d’être les plus défavorisés, les départements ruraux tels que la Haute-Vienne sont, par exemple, mieux pourvus en emplois hospitaliers que ceux de la région parisienne. De même, les taux d’administration sont particulièrement élevés en Outre-mer, tandis que ceux dans l’enseignement scolaire apparaissent paradoxalement plus forts dans les zones démographiquement moins dynamiques.
Dès lors, quelles réflexions ces résultats inspirent-ils ? Portent-ils en germe une remise en question de la décentralisation afin de mieux atteindre la pleine égalité d’accès sur le territoire ?
Certainement pas, et d’ailleurs, viser une totale égalité d’accès sur l’ensemble du territoire serait évidemment irréaliste. Mais la lecture de ces données démontre surtout la force d’inertie de notre service public, lequel ne s’adapte que très lentement aux évolutions démographiques du pays et continue de favoriser les zones rurales en déclin tout en pénalisant les zones urbaines dynamiques. Voilà à l’évidence une piste d’amélioration possible…