L'insertion des personnes handicapées dans la Fonction publique en progression constante
« Même s’il reste du chemin à parcourir, la progression reste constante » – Françoise Descamps-Crosnier, présidente du Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la Fonction publique (FIPHFP).
16 janv. 2023
A quelques semaines de la Conférence Nationale du Handicap, la présidente du FIPHFP établit le bilan de la loi de 2005, dessine le chemin encore à parcourir et décrit le programme de l’année à venir pour poursuivre le développement de l’emploi de personnes en situation de handicap dans la Fonction publique.
Accessibilité numérique, évolution des carrières, handicap invisible, tiers lieux de travail, quels sont les enjeux des prochaines années pour les employeurs et les agents ?
Quel regard portez-vous sur le chemin parcouru par la Fonction publique en matière d’insertion des personnes en situation de handicap depuis la loi de 2005 ?
Avec 5,44%, le taux d’emploi des personnes en situation de handicap dans la Fonction publique est supérieur à la moyenne nationale qui s’établit en 2021 à 3,5% selon les chiffres de la DARES1. Il ne cesse de progresser régulièrement depuis 2005 et ce, même en période de crise. Il n’y a pas eu pendant la crise du Covid-19 de baisse du volontarisme des employeurs publics sur cette question. Certes, nous avons dû rallonger de quelques mois certaines conventions pour permettre d’effectuer un rattrapage des actions non menées pendant les confinements. Nous constatons qu’il y a une prise de conscience de plus en plus importante de l’enjeu de l’emploi des personnes en situation de handicap. Aussi, même s’il reste du chemin à parcourir, la progression reste constante.
Quelles sont pour vous, les étapes marquantes de cette progression du nombre d’agents porteurs de handicaps ?
Plusieurs mesures ont favorisé le développement de l’emploi de personnes handicapées dans la Fonction publique. La première est la loi de 2005 qui est venue fixer le cadre. Elle a donné naissance au FIPHFP en 2006. Depuis, notre rôle a consisté à accompagner les employeurs publics dans leur démarche grâce à un large catalogue d’actions que nous adaptons à leurs besoins. L’objectif est de satisfaire à la fois l’agent et l’employeur pour générer in fine plus d’emplois pour les personnes en situation de handicap.
La création de la Semaine européenne pour l’emploi des personnes en situation de handicap est un grand rendez-vous annuel du handicap et de l’emploi. Elle suscite un grand engouement des employeurs publics qui organisent de nombreux événements. Cela apporte une visibilité très forte au niveau national et européen et contribue à changer le regard de la société sur le handicap au travail.
Autre élément important : la loi de 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel qui vise notamment à renforcer l’emploi et la formation des personnes en situation de handicap et à créer des référents handicap dans les CFA. D’ailleurs, nous attendons pour bientôt l’inclusion du référent handicap dans le Répertoire des métiers de la Fonction publique, engagement pris par Stanislas Guerini, Ministre de la Transformation et de la Fonction Publiques. Qu’ils soient appelés chargés de missions ou référents handicaps, nous savons grâce à une étude que nous avons conduite avec l’EHESP de Rennes que beaucoup exercent cette compétence à temps partiel. Ainsi, dès lors que le métier sera reconnu cela devrait faciliter le développement de leur rôle. C’est primordial, car nous avons constaté que lorsqu’il existe un référent handicap dans la structure, la situation évolue positivement et très vite. C’est un rôle indispensable pour permettre une bonne inclusion des personnes en situation de handicap.
Quelles sont les dispositions mises en œuvre au fil des années qui sont les plus opérantes pour faire progresser de façon effective l’inclusion dans les politiques RH des employeurs publics ?
L’écoute et la compréhension des problématiques particulières qu’a développé le FIPHFP au fil des années : elles nous permettent d’accompagner tous les employeurs publics, même ceux non soumis à l’obligation d’emploi de personnes en situation de handicap en adaptant constamment nos actions. Et ceci avec une certaine agilité pour faire face quelles que soient les circonstances. Par exemple, pendant la crise du Covid-19, nous avons mobilisé des mesures adaptées aux nouvelles conditions de travail. Nous avons fait en sorte que les agents ou les apprentis puissent avoir à domicile l’équipement nécessaire et adapté à leur handicap pour poursuivre leur activité et leur formation en télétravail.
Le renforcement des partenariats est un autre élément clé. Quand tous les acteurs du handicap sur un territoire avancent dans le même sens, avec une vraie coopération, on avance mieux et plus vite. C’est le rôle de nos directeurs territoriaux du handicap (DTH) et de notre démarche Handi-Pacte, démarche d’animation du territoire et de partage des bonnes pratiques. Organisée dans chaque région, cette initiative permet de répondre aux questions, de travailler avec les différents acteurs pour développer des partenariats locaux, d’organiser des évènements communs à tous les versants de la Fonction publique et de faire remonter les demandes du terrain. C’est un réseau actif et réactif !
Enfin, la montée en puissance du conventionnement entre le FIPHFP et les employeurs publics a été très importante pour le développement de l’emploi des agents en situation de handicap. Le conventionnement est au cœur de notre dispositif d’actions, car c’est une politique globale qui prévoit l’accompagnement de la structure sur plusieurs années et permet d’élaborer un plan d’actions dédiées, précises et de traduire concrètement l’évolution du taux d’emploi. 420 conventions sont actives actuellement y compris avec les centres de gestion de la fonction publique territoriale sur les territoires pour inclure les plus petites collectivités dans le dispositif.
Estimez-vous que la future réforme des retraites peut-avoir un impact sur l’évolution du recrutement et du maintien en l’emploi des personnes en situation de handicap ? et quel accompagnement envisagez-vous pour aider les employeurs publics le cas échéant ?
Si les agents travaillent plus longtemps, ils auront plus de risques de développer un handicap. C’est le cas par exemple des agents de catégorie C qui peuvent exercer des métiers usants, notamment dans les métiers de la fonction publique hospitalière et de la fonction publique territoriale. Plus le recul de l’âge de retraite est reporté et plus certains postes vont être difficiles à supporter. Par ailleurs, la réforme pourrait impacter les invalides et les dispositifs de retraite pour inaptitude. Toutefois, Olivier Dussopt, Ministre du travail, du Plein Emploi et de l’Insertion, s’est voulu rassurant sur ces points. Il faudra, quoi qu’il en soit pour les employeurs publics, faire face au vieillissement démographique ainsi qu’au départ à la retraite des travailleurs handicapés actuels, et investir dans la gestion prévisionnelle des emplois et compétences (GPEC). Nous serons à leurs côtés pour les accompagner en développant, si besoin, de nouveaux outils.
Quels sont les enjeux des années à venir à deux ans du 20ème anniversaire de la loi ? Et, par voie de conséquence, quels sont les objectifs du FIPHFP ? Et vos grands rendez-vous de 2023 ?
L’un des enjeux des années à venir est l’apprentissage qu’il faudrait pouvoir renforcer, car c’est un véritable tremplin pour l’emploi. Une personne avec un handicap qui est passée par l’apprentissage trouve plus facilement un poste. Et la loi Dussopt de 2019 permet de titulariser un apprenti. Aussi, nous investissons beaucoup sur ce champ en finançant l’aménagement des postes, les frais techniques, d’hébergement, de déplacement, de rémunération des maîtres de stages et les primes en cas d’insertion de l’apprenti.
Un autre enjeu est la poursuite de la sensibilisation au handicap dans l’emploi pour parvenir à changer le regard de l’employeur pour dépasser le cliché de la personne en fauteuil roulant. C’est un des éléments du programme exceptionnel que nous lançons en 2023 sur 4 grands axes.
Le premier est l’accessibilité numérique. C’était d’ailleurs le sujet de notre colloque du 12 décembre dernier.
La Fonction publique est en retard dans ce domaine. Il y a eu des efforts réalisés pour les interfaces usagers mais beaucoup moins sur les interfaces internes. Cela se traduit par un manque d’autonomie pour certaines situations de handicap (malvoyance, troubles dys, etc.). Nous allons donc augmenter le montant de nos aides pour la mise en accessibilité et nous investir dans la formation des acteurs du numérique qui ne sont pas tous capables de concevoir des interfaces respectant les règles du RGAA (référentiel général d’amélioration de l’accessibilité). Nous avons engagé un partenariat avec les Universités de Saint-Denis de La Réunion et celle de Bordeaux sur ce sujet et nous travaillons en collaboration avec la Dinum (Direction interministérielle du numérique). L’objectif est d’être bon dès la conception de l’interface pour éviter d’agir en réparation. Et nous allons travailler notamment avec l’Association des maires de France pour mieux informer les collectivités territoriales sur les aides que le FIPHFP peut apporter sur le champ du numérique.
Le deuxième axe porte sur l’évolution des carrières. Nous voulons renforcer les parcours professionnels des personnes en situation de handicap pour leur permettre de passer de la catégorie C à B et de B à A. Nous souhaitons aussi que plus de personnes en situation de handicap puissent devenir hauts fonctionnaires en catégorie A+. Certaines ont les compétences et diplômes requis, mais n’osent pas envisager une progression de carrière. Au fond, nous voudrions faire avec le handicap, ce qui a été fait pour l’égalité professionnelle femme-homme. Nous allons mettre en place des coaching personnalisés, des bilans de compétences et accompagner les employeurs à identifier et faire évoluer les potentiels.
Le handicap invisible est le troisième axe. Nous avons édité un guide du handicap visible et réalisé plusieurs webinaires pour permettre de mieux appréhender la diversité du handicap et les bonnes pratiques pour encadrer les agents concernés. Notre conseil scientifique a une étude en cours sur le thème du handicap invisible, l’emploi et les lésions cérébrales acquises qui fera l’objet d’une publication en 2023. L’objectif est de faire mieux connaître ce champ peu identifié. C’est aussi pour cela que nous organisons en 2023, le Tour de France du Handicap Invisible, avec nos différents partenaires. D’autre part, nous nous sommes mobilisés sur la problématique du cancer du sein, source de handicap. Des partenaires sont engagés dans ce travail comme l’INET (Institut National des Etudes Territoriales) et l’association des DRH de grandes collectivités. De plus, un test sera mené sur des dispositifs d’accompagnement des personnes concernées avec la métropole de Toulouse.
Le dernier axe concerne le développement de tiers lieux de travail. Avec la banalisation du télétravail, nous avons déjà développé des plateformes de prêt de matériels. Elles permettent de tester les outils proposés aux personnes à domicile et de vérifier qu’ils conviennent avant l’achat définitif. Ces plateformes pourraient aussi être utilisées pour développer le travail dans des tiers lieux afin d’éviter l’isolement des personnes en situation de handicap pendant leur temps de télétravail. 3 ou 4 nouvelles plateformes seront financées conjointement avec l’AGEFIPH en 2023.
Enfin, le FIPHFP est engagé dans les groupes de travail en vue de la Conférence nationale du handicap (CNH) prévue en mars afin de porter la voix du handicap dans l’emploi public.