Retrouvez l’interview de Stanislas Guerini, Ministre de la Transformation et de la Fonction publiques
Préfon a souhaité donner au Ministre de la Transformation et de la Fonction publiques l’occasion de s’exprimer, quelques semaines après sa nomination. Les premières mesures, notamment sur les rémunérations ont évidemment occupé l’actualité. Pour autant, elles ne résument pas l’ensemble des attentes des agents publics. D’autres chantiers et préoccupations en matière de retraite, de santé et de prévoyance sont présentes. Ainsi, sur ces sujets, Préfon continuera à être mobilisée par son action sur le sujet des retraites supplémentaires.
3 oct. 2022
©BercyPhoto - Gezelin Gree
Pouvez-vous nous rappeler les mesures issues de la conférence salariale de juin 2022 qui seront mises en œuvre en matière de revalorisation salariales pour les fonctionnaires et de revalorisation des retraites pour les pensions de l’Etat ? D’autres mesures sont-elles prévues pour compenser l’inflation ?
Dès le premier mois de mon mandat en tant que ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, j’ai pris plusieurs mesures pour protéger le pouvoir d’achat des agents, lors de la conférence salariale de juin 2022 en présence des représentants des organisations syndicales et des employeurs de l’Etat. J’ai également tenu le 15 septembre dernier une réunion de suivi avec ces mêmes acteurs afin de m’assurer de la bonne mise en place de ces engagements.
Le premier c’est, bien sûr, la revalorisation historique du point d’indice de 3,5 %, la plus forte depuis 37 ans. Cela représente 7,5 milliards d’euros en année pleine pour favoriser le pouvoir d’achat des agents publics. Cette augmentation est effective depuis le mois de juillet pour tous les agents des trois versants. Je tiens à rappeler que l’évolution des salaires des agents publics est également déterminée par les augmentations individuelles dont ils bénéficient, pour l’essentiel de manière automatique à l’ancienneté. Cela représente en moyenne, pour l’ensemble de la Fonction publique, une progression annuelle de +1,5% de la rémunération indiciaire, laquelle vient donc se cumuler en 2022 avec la hausse générale de 3,5% du point d’indice.
Par ailleurs, n’oublions pas l’impact des différents plans d’accompagnement ou de revalorisation « catégoriels », dont bénéficient certaines filières ou catégories d’année en année.
J’ai également annoncé la reconduction de la garantie individuelle de pouvoir d’achat. Je rappelle que cette garantie joue le rôle de filet de sécurité pour les agents publics dont l’évolution de la rémunération indiciaire a été inférieure à celle de l’inflation des quatre dernières années. Le décret de reconduction de la GIPA a été publié le 1er août pour que les administrations puissent procéder à la mise en paiement en fin d’année de cette garantie indemnitaire.
J’ai également pris l’engagement d’une revalorisation des traitements de début de carrière des agents de catégorie B. Six décrets pour les trois versants de la Fonction publique ont été publiés au Journal officiel du 1er septembre. Une séance exceptionnelle du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale a été programmée en juillet, afin que les décrets puissent être publiés au 1er septembre. La mesure est en cours de déclinaison dans les corps ministériels comparables de catégorie B. 41 millions d’euros sont consacrés à cette réforme, pour les agents des trois versants.
Au surplus des engagements touchant directement à la feuille de paie, j’ai souhaité renforcer d’autres outils contribuant de manière concrète au pouvoir d’achat.
Ainsi, tout en incitant à l’utilisation de modes de transport durables, dans le contexte de crise énergétique que nous traversons, j’ai annoncé l’évolution du dispositif « forfait mobilité durable ». Les textes autorisant désormais le cumul de ce forfait avec un abonnement de transport annuel, et prévoyant l’abaissement des seuils de déclenchement de l’indemnité, au bénéfice notamment des agents exerçant en télétravail, font actuellement l’objet d’une concertation interministérielle avant leur publication dans les prochaines semaines.
Enfin, pour faire face à l’augmentation du coût des denrées alimentaires, l’augmentation de la prise en charge par l’Etat des repas pris dans les restaurants administratifs et inter administratifs, et son extension à davantage d’agents, sont effectives depuis la rentrée de septembre, en application de la circulaire DGAFP du 18 juillet 2022.
L’Etat a pris toute la mesure de la situation et cette action a porté ses fruits. La France est l’un des pays de la zone euro qui enregistre l’inflation la moins forte.
L’augmentation du point d’indice représente un budget de 7,5 mds d’euros dont près de 2 millions pour la fonction publique hospitalière et près de 2,3 millions pour la fonction publique territoriale. Quelles vont être les conséquences pour les collectivités territoriales et comment l’Etat va les accompagner en la matière ?
Avec Christophe BECHU, alors ministre délégué chargé des Collectivités territoriales, nous avons échangé avec les employeurs territoriaux en amont de la conférence salariale du 28 juin. Nous partageons tous l’absolue nécessité de revaloriser les salaires dans la fonction publique et j’ai été attentif aux propos portés par les associations d’élus territoriaux sur la soutenabilité de cette mesure pour les budgets locaux.
Précisons que la loi de finances rectificative du 16 août 2022 a créé en faveur des communes les plus en difficultés financières un fonds de 430 millions d’euros pour compenser notamment la hausse du point d’indice.
Par ailleurs, sont actuellement engagées des discussions entre les associations d’élus et mes collègues Caroline CAYEUX, ministre déléguée chargée des Collectivités territoriales, Christophe BECHU, ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires et Gabriel ATTAL, ministre de l'Action et des Comptes publics, pour offrir aux collectivités territoriales une visibilité financière pour les mois et années à venir.
L’augmentation de 3,5% du point d’indice au 1er juillet et la revalorisation des premiers échelons de la catégorie B des fonctionnaires publics au 1er septembre constituent deux mesures pour maintenir la rémunération des agents face à l’inflation. Ces mesures témoignent-elles, au-delà, d’une volonté de revitalisation de la fonction publique et de votre nouvelle approche concernant le grand chantier des carrières et rémunérations annoncé par le chef de l’Etat ?
Le président de la République a annoncé vouloir rebattre les cartes de l’organisation de la rémunération dans notre fonction publique. J’ai moi-même fait du chantier d’évolution des carrières et des rémunérations dans la fonction publique un élément clé de ma feuille de route. Cependant, au-delà de la fiche de paie, je souhaite avancer sur les thèmes concourant à l’attractivité de la fonction publique. Et ce, en particulier dans le champ des politiques sociales, de l’environnement ou des conditions de travail, de la prévention ou bien encore de l’égalité professionnelle.
Plus largement, je crois indispensable que nous situions notre feuille de route dans une perspective plus globale, se fondant sur le sens que nous donnons à notre service public et donc à l’action des agents publics.
Quel service public et comment doit-il se mobiliser pour répondre aux grands défis (environnementaux, numériques, sociétaux…) auxquels nous devons faire face ? Quelles leçons tirer des crises telles que le COVID ou de l’évolution des besoins des citoyens, qui révèlent à la fois l’absolue nécessité de réaffirmer un service public garant des solidarités et l’attente d’un service public facilitateur et accompagnant au quotidien ? Comment répondre dans ce cadre aux enjeux d’attractivité, de mobilisation et de reconnaissance des agents de la fonction publique ?
Je suis profondément attaché au dialogue social, indispensable pour alimenter l’action des décideurs publics. C’est pourquoi, ce grand chantier s’appuiera sur une méthode de discussion ouverte associant l’ensemble des parties prenantes.
Vous avez déclaré que vous étiez le ministre des agents publics. Quel regard portez-vous sur la fonction publique telle qu’elle existe et fonctionne aujourd’hui et comment imaginez-vous celle dont a besoin la France de demain ?
La France n’est pas un pays comme les autres. Elle entretient une relation particulière, à la fois essentielle et vivante, avec son administration.
La crise sanitaire a montré la force de nos services publics et l’engagement de nos agents, mais aussi le besoin de réforme profonde de notre administration. Elle est encore trop lointaine, trop centralisée ou uniforme, trop bureaucratique et trop lente, au risque de rester en décalage avec les attentes de nos concitoyens et leur vie au quotidien, chacun avec ses besoins et ses difficultés. Je souhaite donc faire de l’accessibilité pour tous et de l’inclusion de tous, partout, la boussole de la transformation des services publics, en combinant au mieux numérisation des services et relations humaines de proximité.
Enfin, je suis convaincu que la fonction publique doit être un levier, pour accompagner les transitions et aider à faire advenir les transformations profondes de notre société, indispensables à la préparation de l’avenir de notre pays et de nos enfants. Je veux notamment mettre la transition écologique au cœur de nos missions et du sens que nous donnons au service public, en veillant à ce que notre fonction publique soit exemplaire et agisse en appui des citoyens et des acteurs de la vie économique et sociale.