Attractivité de la Fonction publique territoriale « L’attractivité passe d’abord par une politique RH forte, dynamique et inventive au plus près des agents. »
Pour renforcer des métiers en tension face aux difficultés qui altèrent la qualité des services publics de proximité et dégradent les conditions de travail des agents, un Rapport sur l’attractivité de la Fonction publique territoriale a été rendu public début février. Mathilde Icard, présidente de l’Association des DRH des grandes collectivités, nous livre les principaux enseignements et recommandations de ce document à la rédaction duquel elle a participé1.
28 févr. 2022
État, univers hospitalier et même secteur privé… La Fonction Publique Territoriale (FPT) n’est pas la seule à peiner à recruter. Pourquoi un Rapport spécifique ?
Si l’ensemble du marché du travail connaît des tensions, certaines spécificités font de la FPT un cas particulier, avec des conditions d’exercice diverses selon les territoires, les strates de collectivités, les filières et les métiers. C’est pourquoi, pour compléter les études globales déjà réalisées au titre de la Fonction publique – la ministre de la Transformation et de la Fonction publique avait, en septembre, sollicité une mission spéciale pour dresser un état des lieux précis et formuler des recommandations.
Quelles sont donc les principales causes de désaffection ?
La méconnaissance même de ce versant de la Fonction publique en est très certainement la première. Une enquête menée par la DITP2 montre notamment que les jeunes n’associent la FPT qu’aux services qu’ils utilisent, un angle fort limité au regard de tous les autres champs couverts. Le manque de perspectives de carrière, comme la complexité de certains processus font aussi partie des freins mentionnés.
Le Rapport formule 27 propositions dont la première consiste à déployer « une politique de rémunération plus incitative ». Antienne, vœu pieux ou gageure ?
Plutôt une réalité prochaine, on l’espère, grâce au travail mené en parallèle par la DGAFP sur les perspectives salariales dans la Fonction publique ! Quoi qu’il en soit l’enjeu de la rémunération dans la FPT doit être réfléchi à part, par exemple pour que la valorisation d’un métier ne contrarie pas les possibilités de parcours qu’ouvre son statut. Tout cela appelle donc au renforcement de la place des exécutifs territoriaux, dans les négociations globales notamment, pour être des employeurs plus autonomes et mieux responsabilisés.
Parmi les autres mesures, quelles sont les plus originales à vos yeux ?
Aux côtés de certaines évolutions de concours ou de la création d’une prime à la stabilité, je pourrais citer la proposition de logements réservés, par exemple en fléchant sur ce financement une partie de l’épargne de l’Établissement de la retraite additionnelle de la fonction publique (ERAFP). Dans la perspective de cette mission, l’ANDRHGCT avait aussi étudié un abondement par l’employeur de l’épargne-retraite des agents. Si cette proposition n’a pas été retenue, la graine d’un débat futur est semée…
La qualité de ce Rapport a été unanimement saluée, mais comment développer l’attractivité d’un secteur dès lors que procès en improductivité et bataille de chiffres y instillent régulièrement le doute ?
État et employeurs territoriaux doivent évidemment relever maintenant le défi de la mise en œuvre, en commençant par « construire un discours démonstratif ». La « marque employeur » est un enjeu capital et la campagne de communication récemment lancée par le gouvernement – choisir le service public, c’est « choisir le sens, choisir l’audace, choisir l’action » – est une excellente initiative. Toutefois, la réponse se fera aussi dans le cadre d’un exercice professionnel qui réinsuffle du sens au travail, via un management plus autonome et agile ainsi que des accords locaux sur la qualité de vie au travail. Comme le montre l’exemple de plusieurs collectivités, l’attractivité passe d’abord par une politique RH forte, dynamique et inventive au plus près des agents.